Jan 092022

Quand la Bible de Saint Jérôme cite Astérix et Obélix…

Quand la Bible de Saint Jérôme cite Astérix et Obélix…

Voici une petite anecdote amusante… et historique ! Dans le cadre du projet de livre des 40 ans d’Astérix, Albert Uderzo me transmet en 1998 un document qui avait à l’époque été envoyé au journal Pilote par des moines de la communauté des Pères Dominicains d’Alger :

Incipit

  

Nota : Vous trouverez sur cette page quelques informations complémentaires sur cette aventure 🙂

Ce document, écrit en latin, possède les inscriptions suivantes (certaines étaient parfois illisibles, de par la mauvaise qualité de la photocopie envoyée) :

1223Liber psalmorum1224
INCIPIT
LIBER PSALMORUM
JUXTA
SEPTUAGINTA INTERPRETES
AB HIERONYMO SEMEL ET ITERUM EMENDATUS
ac in fecunda editione Obelis & Asteriscis ab eodem illustratus
PSALMUS PRIMUS
ROMANUM PSALTERIUM
Beatus vir qui non abiit in consilio impiorum et in via peccatorum non stetit et in cathedra pestilentiae non sedit.
Sed in lege Domini voluntas eius et in lege eius meditabitur die ac nocte.
Et erit tamquam lignum quod plantatum est secus decursus aquarum.
Quod fructum suum dabit in tempore suo et folium eius non defluet et omnia quaecumque faciet prosperabuntur.
Non sic impii non sic; sed tamquam pulvis quem proicit ventus a facie terrae.
Ideo non resurgent impii in iudicio neque peccatores in consilio iustorum
Quoniam novit Dominus viam iustorum et iter impiorum peribit
GALLICANUM PSALTERIUM
Le texte inscrit ici est très proche de celui de la colonne de gauche.
 

Comme vous pouvez le constater, ce document, qui semble très ancien, parle a priori d’Astérix, d’Obélix, de romains et de gaulois. Plutôt étrange, non ? Le journal Pilote, à l’époque, fait un petit encadré à ce sujet… Albert Uderzo n’ayant pas la réponse à cette énigme, il me dit que si je peux pousser des investigations pour comprendre ce mystère, ça ferait un contenu sympa pour l’ouvrage. Amusé par ce document et ravi de l’idée, je relève donc le défi !

J’ai tout d’abord effectué des recherches sur Internet. Celles-ci se révèlèrent infructueuses (Internet et le Web en 1998 n’étaient pas comparables à ce qu’ils sont à l’heure actuelle !). J’ai alors posé un certain nombre de questions sur un forum qui traitait des moteurs de recherches. Puis, j’ai contacté les modérateurs des listes de diffusion comme celles de l’ADBS, biblio-fr et Agoraclass, qui regroupaient de nombreux documentalistes et historiens de par le monde.

Des dizaines de messages me sont alors parvenus très rapidement (de France, du Canada, de Belgique, de Suisse, de Grande-Bretagne, du Liban et même du Vatican !) : adresses de sites Web, de librairies, de bibliothèques, conseils, traductions, une chaîne de solidarité fabuleuse s’est mise en place, me permettant de situer ce texte en quelques heures : ll s’agit en fait d’un extrait de la Vulgate, traduction en latin de la Bible par Saint Jérôme. Ce livre est disponible dans les bibliothèques sous le nom « Biblia Sacra Vulgatae Editionis ». La page ci-dessus (le fac-similé) serait extraite d’une édition de 1693, qui, semble-t-il, contiendrait des commentaires sur la Bible.

Mais alors, quelle est l’explication du mystère ? Pourquoi peut-on penser qu’il y est fait mention d’Astérix et d’Obélix, de gaulois et de romains ?

Tout simplement parce qu’elle est annotée avec des astérisques (asteriscis) et des obèles (obelis : un signe typographique en forme de croix permettant d’indiquer certains passages d’un livre ancien). Et le manuscrit parle et compare les versions romaine (romanum) et gallicane (gallicanum) des textes sacrés.

Et voilà comment l’énigme a été résolue, grâce à une communauté de personnes qui ont bénévolement transmis leur savoir et leurs connaissances. Merci à eux !

J’ai donc envoyé l’explication à M. Uderzo qui était ravi d’obtenir une réponse à une question qu’il se posait depuis bien longtemps. Et bien sûr, cela a fait l’objet d’un encadré dans le livre des 40 ans.

Mais l’histoire n’est pas terminée : quelle n’a pas été ma surprise, lorsque, en lisant l’autobiographie d’Albert Uderzo (Albert Uderzo se raconte, chez Stock, 2008), je découvre sous sa plume la narration de cette petite péripétie :

Et, cerise sur le gâteau, je reçois quelques jours plus tard le livre en question, dédicacé par son auteur avec un petit mot gentil que voici… Que demander de plus ?

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